Une femme travaillant sur une chaîne de montage dans une usine de colle à Johannesburg, en Afrique du Sud. Photo : © Sunshine Seeds/Shutterstock
Actualités

Réactiver les IDE : un impératif pour relancer l’économie dans les pays en développement

 

Le mal est fait. La pandémie de COVID-19 a porté à l’économie mondiale son coup le plus sévère depuis la Seconde Guerre mondiale, provoquant la plus grande vague de récessions simultanées que le monde ait connue depuis 1870. Les économies de marché émergentes et en développement ont subi des retraits de capitaux sans précédent au moment même où, collectivement, elles font face à leur première véritable récession depuis 60 ans. 

Néanmoins, un levier majeur de reprise se profile dans cet océan de mauvaises nouvelles : pour les économies en développement, il est primordial de réactiver et d’accroître les apports de capitaux, notamment sous forme d’investissements directs étrangers (IDE). Les flux d’IDE revêtent depuis longtemps une importance capitale pour les pays en développement. Ils constituent souvent la plus importante source de financement extérieur, davantage que l’aide publique au développement  ou les investissements de portefeuille. Et ils seront déterminants pour que ces pays se relèvent de la pandémie de COVID-19.

Pour les économies en développement, il est primordial de réactiver et d’accroître les apports de capitaux, notamment sous forme d’investissements directs étrangers (IDE).

 

Les flux d’IDE étaient déjà en perte de vitesse avant l’apparition du coronavirus, dans un contexte de protectionnisme croissant et d’incertitudes qui ont érodé la confiance des investisseurs. Le risque supplémentaire et inédit lié à la pandémie a fait chuter la confiance des entreprises à des niveaux historiquement bas et entraîné une baisse prévisible de 40 % des flux mondiaux d’IDE.

Pourtant, restaurer la confiance n’est pas une tâche impossible. Un nouveau rapport (a) de la Banque mondiale fournit un éclairage utile sur ce qu’il faudrait faire pour accroître les flux d’IDE. Il relève notamment que, pour 2 400 dirigeants d’entreprise interrogés dans dix grands pays émergents, les avantages d’une fiscalité basse, le faible coût de la main-d’œuvre et l’accès à des ressources naturelles pèsent moins dans leurs décisions d’investissement que la stabilité politique et économique et un environnement juridique et réglementaire fiable. En résumé, les trois principaux moteurs des décisions en matière d’IDE sont entièrement du ressort des gouvernements. 

Les dirigeants politiques des économies en développement doivent se saisir de cette occasion, le plus rapidement possible et dès que l’urgence sanitaire immédiate sera surmontée. C’est le moment pour eux d’améliorer les conditions qui permettront à long terme d’attirer un volume soutenu d’IDE vers leurs économies, dans un contexte où celles-ci sortiront de la crise lourdement endettées et avec une marge de manœuvre budgétaire limitée (a) pour financer la reconstruction à venir. Et c’est aussi le moment de mettre en place des mesures complémentaires pour garantir que les flux d’IDE n’exacerbent pas les inégalités en bénéficiant principalement aux travailleurs les plus instruits et les plus qualifiés.

 

Les dirigeants politiques des économies en développement doivent se saisir de cette occasion, le plus rapidement possible et dès que l’urgence sanitaire immédiate sera surmontée.

 

Comme le montrent nos travaux, les effets de la réduction du risque réglementaire sur les flux d’IDE se révèlent même plus importants que ceux liés à l’ouverture au commerce international. Une baisse d’un point de pourcentage du risque réglementaire accroît en général de deux points la probabilité qu’un investisseur étranger s’implante ou se développe dans un pays. Tandis qu’une augmentation d’un point de pourcentage de la part des échanges internationaux dans le PIB augmente cette probabilité de 0,6 point au maximum.

Au vu de ces effets, la Banque mondiale a créé une nouvelle base de données mondiale pour mesurer le risque réglementaire . Elle regroupe environ 14 000 sociétés mères qui investissent dans près de 28 000 projets d’IDE nouveaux ou en expansion dans 168 pays d’accueil. Son schéma d’analyse se concentre sur les trois éléments que les investisseurs associent le plus étroitement à un moindre risque réglementaire : la transparence, la protection juridique des investisseurs et leur accès à des mécanismes de recours.

Les gouvernements des économies en développement doivent donc en premier lieu s’attacher à améliorer la transparence et à réduire le pouvoir discrétionnaire de la bureaucratie, avec à la clé des perspectives commerciales plus prévisibles et moins risquées pour les entreprises. Comment ? En consultant systématiquement le secteur privé et les autres parties prenantes, et en développant des portails d’information pour que les lois et les règlements soient accessibles au public. Et aussi en mettant en place des dispositions juridiques et des procédures administratives claires et spécifiques applicables aux IDE.

 

Les gouvernements des économies en développement doivent donc en premier lieu s’attacher à améliorer la transparence et à réduire le pouvoir discrétionnaire de la bureaucratie.

 

L’attractivité en termes d’investissements et la bonne gouvernance étaient d’importants leviers de progrès pour les pays en développement bien avant le début de la crise. La pandémie de COVID-19 a souligné leur caractère prioritaire.  L’ampleur et la gravité de la crise exigent des décideurs qu’ils utilisent tout l’arsenal d’outils politiques pour rétablir la confiance des investisseurs. Ils doivent se montrer à la hauteur de la situation en agissant rapidement, de manière décisive et concertée.

 

Liens utiles :

L’actualité du Groupe de la Banque mondiale face à la pandémie de COVID-19

Télécharger le rapport : Global Investment Competitiveness Report 2019/2020: Rebuilding Investor Confidence in Times of Uncertainty

simone_d._mccourtie_world_bank_turkey_2009-1000
Actualités

Amputées de la moitié de leurs recettes, les entreprises se battent pour survivre

Les entreprises et les salariés de toutes les régions du monde ont été frappés de plein fouet par la COVID-19. L’OIT estime que les revenus du travail ont globalement baissé de près de 11 %, soit 3 500 milliards de dollars, durant les trois premiers trimestres de 2020. Selon les estimations de nos collègues de la Banque mondiale, ces pertes de revenus pourraient pousser jusqu’à 150 millions de personnes dans l’extrême pauvreté d’ici à 2021. À défaut d’une aide et d’une action politique rapides, la fermeture définitive d’entreprises par ailleurs saines entraînera des souffrances durables.

La définition de politiques fondées sur des données fiables sera primordiale pour guider la reprise. Afin de contribuer à la collecte d’informations actualisées, la Banque mondiale s’est associée avec des instituts nationaux de statistique et d’autres partenaires pour conduire une nouvelle série d’enquêtes sur la situation des entreprises au temps de la COVID-19 (a), ainsi que des questionnaires de suivi dans le cadre de ses enquêtes régulières menées auprès des entreprises (a). Ces enquêtes ciblent principalement les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) des pays en développement afin de cerner les répercussions de la pandémie sur leurs performances, leurs stratégies d’ajustement  ainsi que les réponses apportées par les pouvoirs publics. D’une grande souplesse, les sondages sont réalisés en 15 minutes environ, par téléphone ou en ligne. Le premier cycle de collecte de données a eu lieu de mai à août 2020, couvrant plus de 100 000 entreprises dans 51 pays de taille et de niveau de revenu différents, répartis dans toutes les régions du monde. Nous programmons des enquêtes de suivi trimestrielles, à partir d’octobre prochain.

Les premiers résultats montrent (a) que jusqu’à présent les entreprises conservent leur personnel et résistent à la crise, mais que leurs finances se détériorent du fait de la baisse de 50 % de leurs ventes en raison de la pandémie. 

La COVID-19 a provoqué une baisse généralisée et persistante du chiffre d’affaires, en particulier pour les plus petites entreprises.
  • Environ 84 % des entreprises dans les pays en développement ont vu leurs recettes chuter par rapport à la même période de 2019. Cette baisse se chiffre à 49 % en moyenne, et s’inscrit dans la durée, puisque quatre mois après le pic de la crise, les ventes continuent de reculer de 40 % (Figure 1).
  • Les micro et petites entreprises (moins de 20 salariés) ont été les plus gravement affectées : elles ont enregistré un déclin de leurs ventes d’au moins 50 %, tandis que la baisse était inférieure à 40 % dans les grandes entreprises employant plus de 100 personnes.
  • Les établissements de tourisme, hôtels et restaurants notamment, ont été parmi les plus touchés et sont plus susceptibles de rester fermés, même six semaines après le pic épidémique.
  • Les regroupements par secteur d’activité ou taille d’entreprise masquent cependant la grande hétérogénéité des conséquences du choc, ce qui complique le ciblage du soutien politique. Par exemple, au Sénégal, six commerces de détail de dix salariés, tous interrogés au cours de la même semaine, ont déclaré des baisses de chiffre d’affaires allant de 10 à 100 %.
Figure 1. Les entreprises ont subi des pertes considérables et persistantes

Les entreprises ont conservé leurs salariés.
  • Moins de 20 % des entreprises ont licencié du personnel. La plupart des entreprises (64 %) ont ajusté leur masse salariale en réduisant les heures de travail, les salaires ou en plaçant leurs employés en congés payés ou sans solde (Figure 2).
  • Les entreprises ayant subi des pertes massives ont plus fréquemment procédé à des licenciements, mais pas de façon radicale. Ainsi, une entreprise employant 100 personnes et ayant enregistré une baisse moyenne des ventes d’environ 53 % ne s’est séparée que de quatre salariés en moyenne. En revanche, les entreprises dirigées par des femmes et celles employant davantage de personnel féminin ont été les plus nombreuses à licencier du personnel lorsqu’elles étaient confrontées à un choc de même ampleur. À l’échelle régionale, les entreprises d’Afrique subsaharienne ont plus souvent licencié du personnel que celles des autres régions.
  • Un quart des entreprises ont baissé les salaires, avec un écart de 10 points de pourcentage entre les grandes sociétés (28 %) et les microentreprises (19 %).
  • Ce sont les secteurs plus sévèrement touchés, comme les activités touristiques, qui ont procédé aux ajustements les plus notables. Ainsi, la probabilité de recourir aux licenciements (19 %), aux congés (51 %) et à la baisse des salaires (33 %) était plus importante dans le secteur de l’hébergement.
Figure 2. Jusqu’à présent, les entreprises ont privilégié la réduction des heures de travail ou des salaires plutôt que les licenciements

Les finances se détériorent, en particulier dans les petites entreprises et celles qui sont les plus touchées par la crise.

  • La baisse des recettes a plongé la plupart des entreprises dans des difficultés financières (Figure 3). Plus de la moitié des MPME ont des arriérés de paiement ou s’attendent à en avoir au cours des six prochains mois.
  • Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, la probabilité pour les entreprises d’accumuler des retards de paiement est presque 50 % plus forte que dans les pays à revenu élevé, ce qui souligne l’importance de soutenir ces pays. Par exemple, une société du Bangladesh ou d’Afrique du Sud a au moins trois fois plus de chances d’avoir des arriérés qu’une entreprise de Grèce ou de Pologne.
  • Les différences entre les entreprises d’un même pays éclipsent toutefois celles qui existent entre les pays. Ainsi, en Côte d’Ivoire, la trésorerie du dixième des entreprises situées au bas du classement leur permettra de résister seulement 14 jours, alors que les 10 % en haut du classement peuvent couvrir jusqu’à 112 jours de frais fixes. Au Kenya, au Sénégal et en Tanzanie, cet écart varie entre des entreprises sans aucune liquidité en réserve et des entreprises en mesure de résister pendant environ un an. Cela met en évidence les très fortes inégalités entre entreprises en matière d’accès au financement, et donc pour leurs chances de survivre à la crise.
  • Logiquement, les secteurs les plus durement touchés sont en général ceux qui se heurtent aux plus graves difficultés financières. Environ 62 % et 56 % des entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ont des arriérés ou prévoient d’en avoir dans les six prochains mois, contre 35 % et 43 % des sociétés du secteur des services financiers et des TIC.
Figure 3. La baisse des ventes est fortement corrélée à l’augmentation des entreprises affichant des retards de paiement

Malgré des défis sans précédent, il est possible de bâtir un système économique plus inclusif et plus résilient. La plupart des pays ont mis en œuvre des programmes de soutien aux entreprises et certains entreprennent des réformes ambitieuses. En surveillant la manière dont les entreprises réagissent au choc ainsi que l’efficacité des programmes d’aide nationaux et des réformes, il sera plus aisé de concevoir des politiques adaptées. Pour cela, il est avant tout indispensable de disposer de données plus nombreuses et de meilleure qualité afin de faire des choix politiques éclairés.

Cette publication est la première d’une série de trois billets visant à mettre en lumière les principaux éléments tirés des enquêtes auprès des entreprises. La deuxième partie traitera de l’incertitude et des stratégies d’ajustement des entreprises, et la troisième analysera les réponses apportées par les gouvernements et la capacité des entreprises à bénéficier de ce soutien.